Un petit historique sur l'accès à l'enseignement des filles

Publié le par CADRES D'EDUCATION

 

L’accès à l’éducation des filles s’est développé lentement dans l’histoire de l’éducation en Europe. En France, le droit à l’instruction des filles date de 1880. La coéducation avec les garçons en revanche ne s’est mise en place qu’un siècle plus tard, pendant les années 1960 et fut rendue obligatoire par la loi Haby de 1975. Elle est maintenant admise et la mixité scolaire est de nos jours une réalité un peu partout en Europe.

La crise de la croissance démographique et l’urbanisation rapide ont contraint la fermeture des petites écoles de campagne. Par ailleurs, l’augmentation de la demande de scolarisation par les familles a engendré l’expérience de la mixité afin de scolariser leurs enfants au plus proche de leur domicile. La mixité est alors davantage une réponse pragmatique à des contraintes spécifiques, telles que le manque de locaux et la pénurie d’enseignants, que le fruit d’une réflexion pédagogique et sociétale

Ainsi, comme le souligne Antoine Prost : « De toutes les révolutions pédagogiques du siècle, la mixité est l’une des plus profondes. Elle oppose l’école de notre temps à celles des siècles précédents. Et pourtant, elle s’est effectuée sans même qu’on y prête attention ».


C'est au début des années 1980 que l’éducation nationale a vraiment pris conscience de la nécessité de travailler à promouvoir l’égalité entre les sexes et du rôle essentiel donné à l’école dans cette mission. Des campagnes nationales avaient alors pour thème central l’orientation des filles. C’est en 1989 que voit le jour la loi d’orientation sur l’éducation qui rappelle que l’école « contribue à favoriser l’égalité entre les hommes et les femmes [1]». Une seconde convention suivra, en déterminant la diversification des choix professionnels des jeunes filles. Cette convention fait état du fait que : « le pays manque d’ingénieurs et de techniciens[2] ».

La conquête de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes a donc marqué profondément les dernières décennies. Ces nouvelles orientations marquent une rupture par rapport aux siècles précédents.

Au XVIIIème siècle, l’on considérait encore que les femmes devaient être éduquées et non pas instruites. Rousseau, pourtant très critique vis-à-vis de l’absolutisme royal, écrit dans l’Emile que les savoirs pratiques suffisent aux femmes dont la seule fonction est de servir les hommes.

L’école laïque et obligatoire pour tous, instaurée par Jules Ferry en 1881, a ouvert la porte des écoles à toutes les filles. L’école n’était jusque là réservée qu’à une catégorie privilégiée de jeunes filles. Mais Jules Ferry était plus préoccupé par la justice sociale que par l’égalité des sexes. Il considérait néanmoins que les femmes devaient être tout autant instruites que les hommes.

Les filles ne reçoivent toutefois pas la même éducation dans leurs écoles que les garçons. A l’école primaire, les filles s’initient encore aux travaux d’aiguilles, alors que les garçons apprennent le système légal des poids et des mesures. Au lycée, les filles sont encore privées de baccalauréat tout comme de l’enseignement de la philosophie. Les jeunes filles sont alors considérées comme étant d’une nature peu raisonneuse. Peu d’entre elles de toute façon accédaient à la classe de terminale. L’idée est d’avoir pour les filles une scolarité courte, un enseignement allégé consistant à des travaux d’aiguilles, à la musique et à un peu de littérature. Elle permet en fait aux femmes d’accéder à un début d’émancipation. Le baccalauréat unique ne sera décrété qu’en 1924 et ouvrira alors aux filles la porte des universités.

La société ne conçoit pas que la jeune fille n’ait d’autre finalité que le modèle traditionnel de la femme. Les collèges et lycées de jeunes filles n’ont alors pour vocation que d’en faire de bonnes épouses et de bonnes mères sachant instruire leurs enfants et gérer correctement leur quotidien à la maison. Elles ne sont donc pas destinées aux mêmes rôles et fonctions sociales que leur mari. Tout au long du XXème siècle, l’accès des femmes aux grandes écoles reste d’ailleurs très limité.

La scolarité obligatoire puis prolongée des filles a peu à peu tout au long du siècle amené les jeunes filles à une égalité des savoirs.

Aujourd’hui nous pouvons considérer que l’accès à l’enseignement est garanti et égalitaire.

La libéralisation des mœurs personnelles et familiales à partir des années 1960 tout comme l’émancipation des femmes, fait évoluer la position des femmes et leur accès à l’éducation. Certes, l’école est obligatoire pour tous mais dans une société en pleine croissance, les parents veulent assurer socialement la promotion de leurs enfants quels que soient leurs sexes. Nous sommes alors dans une nouvelle ère de liberté et d’égalité. La mixité dans l’enseignement semble alors être une meilleure préparation à la vie moderne, un homme et une femme ont les mêmes droits et obligations. Cette mixité se développe ainsi à l’époque de la libéralisation de la contraception, de la réforme des régimes matrimoniaux et du partage de l’autorité parentale.

 

Force est de constater que la mixité a accompagné l’égalité de l’accès à l’enseignement qui est plus le fruit d’une évolution sociétale.

 

Pourtant même si le système éducatif tout au long du XXème a aidé les filles, des inégalités demeurent. Notre école se trouve face à un nouveau défi, celui de l’accès des femmes aux savoirs les plus en pointe. Il n’y a pas si longtemps elles étaient privées de l’accès au savoir pour se voir confiner dans une instruction féminine, ménagère et religieuse. La mixité n’a semble-t-il pas complètement atteint son but d’égalité.

 

La mixité est sûrement une condition nécessaire de l’égalité mais pas une condition suffisante. Les responsables politiques et éducatifs ont probablement cru sincèrement qu’ils réaliseraient l’égalité en introduisant la mixité. Mais si la mixité n’est pas organisée, elle aura tendance à reproduire les mécanismes des rapports sociaux de sexe.


L’école est non seulement le lieu où l’on acquiert des connaissances et où l’on développe sa capacité d’analyse et de créativité, mais aussi le lieu où les jeunes se « construisent ». Les personnalités de chacun émergent tout au long de leur scolarité.

Il est donc légitime de se demander si la non-mixité est un moyen de construire sa propre identité ?

 

Béatrice B.

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[1] Loi Jospin N°89-486 du 10 Juillet 1989

[2] Le 14 septembre 1989 entre le secrétariat d’Etat chargé des Droits des femmes et le secrétariat d’Etat chargé de l’Enseignement technique


 

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C
<br /> Béatrice,<br /> Voici une aide pour ta recherche : l'IUFM de l'académie de Créteil vient de publier en octobre 2009 en liaison avec le SCEREN un fascicule intitulé : "la mixité à l'école : filles garçons", sous la<br /> direction de Marie Duru-Bellat et de Brigitte Marin.Ouvrage disponible à la Librairie de l'Education.<br /> Voici aussi l'adresse URL du SCEREN à copier dans le navigateur pour uneprésentation de l'ouvrage :<br /> http://www.sceren.com/cyber-librairie-cndp.asp?l=la-mixite-a-l-ecole-filles-et-garcons&prod=209305<br /> <br /> Bonne lecture,<br /> Antony<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Merci! J'ai déjà lu plusieurs articles de Marie Duru Bellat  qui sont passionnants. J'imagine que ce livre va m'aider à approfondir ma recherche<br /> <br /> <br />
C
<br /> On trouve sur le site du Sénat un compte rendu intéressant d'un colloque sur la "mixité menacée" qui s'est déroulé le 15 septembre 2004<br /> <br /> <br />
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